Alors ce genre de questionnement est de l'ordre du marronnier, tout le monde a un avis sur la question, mais malgré tout, il est rare de trouver une réponse confortable.
Grosso-modo le débat se divise entre :
... Ceux qui mettent la mortalité des PJ comme caution morale de leur intégrité de MJ.
Un calcul du genre "Vous ne trichez pas, je ne triche pas, on choisit de faire confiance au système".
La version du dramaturge se résumerait avec "L’héroïsme se manifeste autant dans les échecs que les réussites. Si la menace de la mort n'est pas présente et tangible, tout le reste, l'univers, l'histoire sonneront vite faux, et vous n'y croirez plus".
Donc : s'il meurt, il meurt, et c'est à l'histoire de s'adapter.
... Ceux qui mettent la conduite de l'histoire en avant et ne veulent pas gâcher une bonne intrigue par la disparition d'un PJ. En général on entend des arguments comme "Oui, on peut mourir dans ma campagne mais pas pour un mauvais jet de dés, pas devant un pauvre pégu de gobelin de base sur un jet raté" ou "Oui,le PJ peut mourir, s'il a pris des décisions spécialement stupides, ou si le moment est dramatiquement intéressant, ou s'il est d'accord pour faire mourir maintenant, comme le couronnement de sa trajectoire ".
Donc : s'il meurt, ce doit avoir un sens dans l’histoire, autrement il ne meurt pas.
Je ne digresserai pas sur le cas du "Le PJ a mérité de mourir : trop de décisions stupides" ou sur le "J'ai mal jaugé la difficulté en tant que MJ, ou confié au hasard d'un tirage une situation qui n'en relevait pas"... et j'oublie bien sur d'autres propositions : il y a aussi les paramètres méta à prendre en compte : le temps de création initial du personnage (on ne va pas souffrir la perte d'un PJ fabriqué en 3 heures de la même façon que celle d'un PJ fabriqué en 3 minutes), le ton général de la campagne ("Ricky Patapon au pays des Trululus et ses potes les Licornes" vs "Plaies, Croûtes et Horions rpg"), et last but certainly not least le contrat social implicite ou explicite entre le groupe et le MJ (et soyons franc, tout le monde n'a pas forcément envie de gérer ce moment d'annonce pénible).
On a tous des éléments de réponse à tout çà, et c'est une question que j'ai déjà du débattre 1000 fois durant ma vie de rôliste. C'est bien un marronnier...
Ça fait beaucoup, et je n'ai moi-même pas d'idées absolument arrêté sur cette question de la mort des PJ.
J'aime l'idée de faire confiance au système quand il est bon, selon mes critères et ceux de ma table, et il y a un petit frisson particulier à jeter les dés non pas derrière mais devant l'écran.
J'aime l'idée d'une action pulp, avec un système qui évite d'encourager la pusillanimité des joueurs, et permet de responsabiliser avec l'usage d'un point d'héroïsme, de destin, d'intrigue, etc.
Mais ce genre de mécanisme, que j'apprécie hein, ne fait que repousser le questionnement.
J'aime aussi quand çà saigne et qu'on puisse réellement se faire peur de temps à autre.
En fait je croie qu'au fond j'aime quand çà joue, quel qu'en soit le sujet.
Donc : et si la mort possible d'un PJ n'était pas seulement une ligne à franchir mais authentiquement un mécanisme porteur de choix ?
On pourrait par exemple imaginer que lorsque le PJ est à zéro PV / porteur d'une blessure fatale, son joueur doit faire un choix :
- Accepter la mort du personnage et commencer la création d'un nouveau (avec ou sans un bonus pour récompenser la carrière / rattraper le niveau des autres / etc)... classique.
- Refuser la mort du personnage, mais le voir revenir avec un handicap particulier, qu'il soit physique (vieille cicatrice qui fait toujours un peu mal, souvent au mauvais moment), mental (depuis "le dernier coup de pelle sur le crâne l'a bien marqué quand même", jusqu'à "il a vu l'autre coté"), ou "fatal" le rapprochant d'une funeste destinée (je pense à ce qui existe dans des jeux comme "Taun-Taun et Tie Fighter").
... Ou carrément gérer ce moment là comme une situation de roleplay et de jeu.
Non pas la scène de l'agonie et des derniers mots si touchants, çà tout le monde gère à peu prés... mais bien de ce qui se passe après la mort... ou ce qui se joue pour éviter la perte de son âme.
Après tout, dans bien des univers de jeu de rôles, il y a une gestion des puissances divines et cosmiques : pourquoi ne pas faire comparaître le PJ devant son démiurge ? Le moment de la pesée de l'âme, des décisions prises auparavant, peut-être un dilemme moral à décider... il y aurait de quoi faire de bonnes scènes.
En tout cas, faire de la gestion de la mort un moment de jeu, de choix, d'implication et pas juste une galère de plus à gérer me parait déjà plus porteur de drames et d'histoire que tout les calculs qu'on peut faire pour la marchander et/ou l'éviter.
Pour la route, ci-dessous une table faites à l'arrache pour donner quelques idées sur le prix à payer pour un retour à la vie. 20 choix, ça permet aussi de ne pas décider et tirer un dé.
Alors comme çà tu viens de mourir...
- Tu peux vivre, mais avec un handicap physique tel que ce qui faisait ta grandeur est terminé (genre sabreur manchot, main de Jamie Lannister, etc).
- Tu peux vivre, mais les cicatrices que tu vas arborer ne seront pas "classe" du tout
(dis adieu à ta vie sociale et NON tu ne seras pas effrayant ou intimidant : au mieux tu feras pitié) - Tu peux vivre, mais ce moment t'a brisé mentalement : tu subis l'équivalent d'un syndrome post-traumatique et si confronté de nouveau à cet adversaire, tu revivras la peur et la douleur de ta défaite précédente (tu ne peux plus te servir de tes points de Destin / Héroïsme / etc contre celui qui t'as tué).
- Tu peux vivre, mais un(e) proche mourra au moment où tu rouvriras les yeux, sans que tu puisses rien y faire.
- Tu peux vivre, mais tu devras régulièrement prendre la vie d'un innocent pour rester en vie.
- Tu peux vivre, mais sans gloire ni fortune, tu sortiras de la mémoire du monde : personne, ni ami ni proche, ne se souviendra de toi. Tu te souviendra de tout, mais pour eux tu seras un parfait inconnu.
- Tu peux vivre, mais la prochaine personne que tu aimeras, avec qui tu seras intime, mourra dans d'atroce souffrance sans que tu puisses rien y faire.
- Tu peux vivre, mais tu te réincarneras dans le corps de ton pourfendeur et cohabiteras avec sa conscience (vous connaissez "Superior Spider-Man" ?). Personne ne te reconnaîtra avant un an.
- Tu peux vivre, mais tu as vendu ton âme : il te faudra accomplir une très vile besogne...
(vous connaissez le comics "Kill or be Killed" de Brubaker et Philips ?). - Tu peux vivre, mais tu devras d'abord affronter le jugement de ta divinité tutélaire et une quête appropriée.
- Tu peux vivre, mais tu doit accepter de pactiser avec la Mort et devenir une forme évoluée de zombie (pensez plus à Santa Clarita Diet qu'à un énième vampire ou liche).
- Tu peux vivre, mais tu reviens dans une peau qui n'est plus du tout la tienne (changement de sexe, de race, etc).
- Tu peux vivre, mais tu dois respecter un code de comportement strict ou pourrir sur pied (faites vous plaisir sur les interdits et tabous).
- Tu peux vivre, mais seulement à l'intérieur d'un territoire précis pour y faire régner la loi de ton dieu résurrecteur.
- Tu peux vivre, mais seulement si tu prends la vie de la première personne qui te dira "Je t'aime".
- Tu peux vivre, mais tu n'es plus le même... tu dois ré-assigner la moitié de tes compétences.
- Tu peux vivre, mais la magie t'a quitté... tu dois renoncer à tout ou partie de tes pouvoirs magiques.
- Tu peux vivre, mais seulement si tu corromps totalement une âme innocente avant la prochaine pleine lune.
- Tu peux vivre, mais tu ne peux plus causer la mort de la moindre créature intelligente, sous peine de retomber en poussière.
- Tu peux vivre, mais seulement aussi longtemps qu'une très fragile créature dont la responsabilité t'es confiée et que tu ne peux pas quitter (vous connaissez "Baby Cart" ?).
Dans la foulée il existe une table un peu plus gonzo sur les effets secondaires de l’après-résurrection ici. Et vous, comment gérez-vous la mort de vos PJ ?
Keep runnin'
T.
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